LE MARCHÉ DES POMPIERS
Aujourd’hui, Annick, 60 ans, sort d’une visite chez sa maman qui réside depuis quelques années à la maison de retraite de Blanqui. Je l’interpelle dans la rue Edouard Vaillant, devant le LIDL, pour l’inviter à venir nous livrer ses souvenirs à la Miroiterie, où le Collectif Miroiterie tient ses permanences tous les samedis jusqu’à la fin du mois de juillet. Et des souvenirs, elle en a à revendre Annick! Elle est restée pour boire un café et nous a parlé pendant une bonne heure de sa vie à Bondy.
Elle est née et a vécu presque toute sa vie à Blanqui. Elle n’est partie de Bondy que depuis quelques années, et en partir a été une véritable déchirure pour elle.
Annick a aimé sa ville, elle a aimé aller à l’école Mainguy tous les jours à pied, seule, parfois accompagnée par un gentil voisin, mais aux mains rugueuses. Elle aimait s’acheter avec sa camarade de classe un cornet à la crème à la Boulangerie près de l’école. Et Annick aimait aller au marché avec sa mère. Elles allaient au MARCHÉ AUX POMPIERS.
Dans les années 60, le marché des Pompiers (que l’on appelait ainsi parce que situé près de la caserne des Pompiers de la rue Salengro) ce n’était pas les fripes que l’on trouve principalement aujourd’hui au marché de Bondy. Le marché c’était surtout des primeurs, c’était des crémiers qui vendaient du beurre à la motte, c’était des bouchers qui ne vendaient pas des poulets sous vide, mais avec la tête et les pattes! Et même des poules encore vivantes et en cage!
Le marché c’était “Bijou”, un monsieur que l’on surnommait ainsi parce qu’il vendait sur le marché des bijoux fantaisie qui faisaient briller les yeux des petites filles qui rêvaient, comme Annick, que leur maman leur achète chaque fois une petite bague merveilleuse à 1 Franc. Le marché, c’était aussi “Banane”, ce sympathique primeur que l’on surnommait ainsi parce qu’il faisait toujours cadeau aux enfants de bananes (mais qu’Annick trouvait bien trop mûres!).
Le marché c’était la joie, la couleur, l’animation, les rencontres. Et pour la petite fille qu’était Annick, c’était aussi la honte qu’elle nous avoue avoir ressentie chaque fois que sa maman vietnamienne retrouvait d’autres connaissances vietnamiennes sur le marché et commençait à parler en vietnamien. Annick ne parlait pas le vietnamien. Elle en comprenait quelques mots mais parlait français avec sa mère. Alors ces rencontres la gênaient, lui pesaient. Peut-être avait-elle peur de se sentir différente, d’être perçue comme étant différente. Cette différence pourtant si belle et recherchée quand on grandit, quand on se connaît mieux et que l’on est prêt à l’assumer et à en être fier.